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Une après-midi chez OrelSan

Quand nous avons lancé la newsletter Curaterz il y a trois ans, OrelSan a fait partie des premiers à s’y inscrire. Cela nous avait ravis – et surpris : d’abord parce que ses créations et sa personnalité nous parlent beaucoup ; ensuite, parce que notre média était particulièrement obscur.

 

Depuis, OrelSan a réalisé un premier film, tourné une série et enregistré un album avec Gringe, lancé une marque de streetwear exigeante et sorti l’un des albums les plus marquants de 2017. Evidemment, cela faisait longtemps qu’on lui proposait d’être un Guest Curater. “Faisons-le après la rentrée, ce sera plus intéressant :)” avait-il glissé, après qu’on lui aie relancé l’invitation cet été.

 

Mi-novembre, nous l’avons donc contacté pour caler un entretien dans Paris. “Un lieu de prédilection ?” La réponse nous a pris de court : “On n’a qu’à se voir chez moi”. Nous avons donc rejoint OrelSan dans l’appartement où il vit avec sa compagne : l’endroit même où il a installé son studio d’enregistrement et ses (imposantes) collections de mangas, DVD et toys, là où le couple développe AVNIER – et sert un excellent thé à la pomme. Bref, la Maison où le rappeur “veut être après avoir fait l’tour du monde”.

 

Comme ses propriétaires, l’endroit est chaleureux, de très bon goût et méticuleusement réfléchi. Entre le salon et le studio, autour d’une tasse ou devant son ordinateur, OrelSan a partagé avec nous ses coups de cœur culturels. Que la fête commence.

 


 

Curaterz : Alors, par quoi on commence tes recommandations ?

OrelSan :  À la télévision, regardez Invisible. C’est la nouvelle émission de sport sur Canal+ que réalise mon frère, Clément Cotentin. Avant, il faisait American Dream avec George Eddy ! Le principe d’Invisible, c’est que chaque épisode est consacré à un geste sportif, genre le coup franc, la passe au rugby… Par exemple, pour analyser la trajectoire de la balle, il va expliquer la force centrifuge. C’est filmé à la caméra Phantom, avec plein de chiffres, d’explications scientifiques… Objectivement, je trouve que ça défonce.

Invisible, 26 minutes. Chaque mois sur Canal+ Sport.

Tu as déjà fait des projets avec ton frère ?

Oui, on a déjà collaboré ensemble. Il a réalisé le clip de “La Terre est Ronde, et on avait fait un programme court qui s’appelait “À plus dans l’bus” pour le site Konbini il y a quelques années.

 

On va alors sur Internet regarder un épisode. J’y reconnais avec plaisir Diamond Deuklo, présenté comme son manager, et OrelSan, plus jeune, en pleine transition capillaire. Quand il se voit apparaitre à l’écran, il semble un peu gêné :

– Bon, voilà…
– Hum… Tu n’assumes plus du tout cette coupe de cheveux en fait ?
– Non, plus du tout, ahah !

La page web est vite fermée.

Le clip de “La Terre est Ronde”, extrait de l’album Le Chant des sirènes (2011)

Dans l’intro de ton nouvel album, tu dis : “J’suis dans l’premier Mario / À chaque fois, j’crois qu’j’ai fini l’jeu, ça repart à zéro. En plus rapide, en plus dur…” Tu trouves encore le temps de jouer ?

Je me suis remis à jouer récemment, j’ai commencé Farpoint sur PlayStation VR (salué par la critique, il s’agit du premier FPS en réalité virtuelle conçu pour la PS4, NDLR). Il y a plein de gens à qui le casque VR file la gerbe, moi pas du tout ! Je peux jouer cinq heures sans problème. Et ce titre, je l’ai vraiment bien aimé…

Je suis aussi sur Life is Strange, un point-and-click réalisé par des Français. C’est un petit jeu, il ne coûte que six euros sur le PlayStation Network, mais l’ambiance est super. Le concept est cool, c’est bien scénarisé, c’est un peu comme si tu regardais un film dont tu es le héros.

Le trailer de Farpoint, nommé aux Game Awards dans la catégorie “Meilleur Jeu en réalité virtuelle”

 

Le trailer de Life is Strange, récompensé aux BAFTA Games Awards catégorie “Meilleure histoire”

Tu as donné récemment une interview chez Clique, dans laquelle tu disais que la direction musicale que tu voulais pour ton album était “un croisement entre le grime, la folk et la trap”. Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?

En rap anglais, il y a The Streets qui vient de sortir une série de morceaux sous un pseudo improbable : The Darker the Shadow, the Brighter the Lights. Il ne sort que des singles, ça ne fait quasiment aucune écoute, et pourtant je trouve que le projet est ouf, c’est exactement le genre de sons que j’aime. Tu sens que c’est fait dans sa chambre, c’est pas mixé, c’est sous-produit… Je vais te faire écouter.

(Après quelques minutes de galères avec sa souris sans fil – les piles sont en fin de vie – OrelSan lance Spotify sur son ordinateur. On écoute le projet sur les enceintes de son studio : en effet, c’est sous-produit mais, derrière le son brut, on est saisi par la virtuosité et les morceaux bourrés d’idées de l’Anglais, dont on comprend instantanément qu’ils aient pu séduire OrelSan).

 

J’aime beaucoup… Si quelqu’un veut découvrir ce projet, quels sont les morceaux à écouter en priorité, selon toi ?

Sur la quinzaine de titres qu’il a sortis, mes préférés c’est “Broken Heart in the Sun”, “Playin” et “Bad Decisions in the Night”…

 

Tout un programme…

Oui… (rires) C’est un peu la déprime, mais c’est exactement ce que j’aime.

Le morceau “Bad Decisions in the Night” du nouveau projet de Mike Skinner, connu auparavant sous le nom de The Streets

Depuis trois ans, tu as co-créé une marque de streetwear qui s’appelle AVNIER – vous venez d’ailleurs de sortir une collection avec Umbro. Vos produits sont très épurés, avec des références aux années 90. Il y a des marques que tu suis particulièrement ?

J’ai découvert une marque nordique que j’aime beaucoup, ça s’appelle Dimaleu. Ils font des kimonos. Déjà, il y a le délire japonais / nordique qui me parle forcément. Il y a plein de marques qui font des trucs importables, mais eux pas du tout : c’est très simple. Ce qui est dur quand tu montes une marque, c’est d’avoir une empreinte reconnaissable directement. Eux, ils ont vraiment trouvé leur style.

J’aime aussi nanamica, une marque japonaise qui fait beaucoup de “outerwear”. C’est produit au Japon, c’est super bien coupé, et ce n’est pas si “mode” que ça. Ça reste des basiques avec un twist, dans une qualité de ouf. Ils ont fait une collaboration avec Clarks qui défonce, et une avec The North Face PURPLE LABEL (une ligne haut de gamme de la marque The North Face exclusivement réservée au Japon, basée sur des designs plus fins et des matières très qualitatives. nanamica et la gamme PURPLE LABEL sont d’ailleurs très proches, elles ont longtemps partagé le même directeur créatif, NDLR). C’est pour dire la puissance du truc…

Quand on crée des habits, est-ce qu’on continue à faire du shopping ?

Justement, le truc c’est que j’ai pas forcément le temps de m’habiller plus que ça ! Je ne suis pas un énorme collectionneur de fringues, même si j’aime ça. Limite, je n’ai pas besoin de porter les fringues pour les kiffer, parfois découvrir des marques sur Instagram me suffit presque ! Et puis je porte beaucoup ma marque, AVNIER.

D’ailleurs, sur AVNIER, on nous reproche souvent d’être trop chers, par rapport à mon public. Mais on essaie de faire des petites quantités, de faire attention aux produits… Tout est produit en Europe par exemple. Forcément, ça a un prix… (Il pointe le sweat que je porte, d’une marque de skate anglaise) Mais je crois qu’on reste moins chers que Palace, par exemple ! (rires)

Comment vous vous répartissez les rôles créatifs, chez AVNIER ?

Sur AVNIER, c’est mon associé Seb (le designer suisse Sébastian Strappazzon, NDLR) et moi qui dessinons tout. Dernièrement, comme j’étais sur mon album, c’était beaucoup lui qui s’en occupait, mais je faisais des retours : il m’envoyait des croquis, je lui renvoyais des idées et suggestions…

Cette année, on va faire des supers collaborations. Par exemple, cet été, on sort une collab avec la marque française Salomon. Les marques comme ça, qui viennent du produit, c’est les meilleures techniquement…

(Orel ramène alors les prototypes de la future collection. On n’a pas le droit d’en dire plus, mais on comprend qu’il soit très excité et impatient que cela sorte…)

Tu as une adresse fétiche pour t’habiller ?

Sans hésiter, Lowkey Studio à Lausanne. C’est la meilleure friperie. Elle est petite, mais les mecs sont tout le temps barrés aux US ou en Thaïlande pour trouver des trucs. C’est un petit shop à la japonaise : à l’étage, tu sonnes à l’interphone et tu montes, tu chilles, et tu choppes des fringues. Ils ont vachement ce côté relationnel, à la fois pointu et abordable, puisque tout le monde peut y aller. C’est forcément un peu plus cher que Emmaüs à Caen (rires) ; tu payes le tri.

Tu as quelques morceaux construits comme des histoires, ton film “Comment c’est Loin” racontait la journée de deux rappeurs amateurs… Tu n’as jamais eu envie de faire une comédie musicale ?

Mais grave !! The Book of Mormon, c’est un truc de fou ! (cette comédie musicale, écrite par les auteurs de South Park, a raflé toutes les récompenses critiques, NDLR). Je suis allé à New York presque juste pour ça. J’ai carrément acheté le CD, même si je ne l’ai pas ouvert vu que je l’écoute sur Spotify … À tel point qu’à la base, j’avais écrit mon film Comment c’est Loin comme une comédie musicale. Finalement, je me suis dit que ça allait être relou… Mais je rêve d’en faire une un jour.

Je conseille d’ailleurs le film Tokyo Tribe. C’est basé sur un manga, et les mecs en ont fait une comédie musicale Hip-hop. Je ne m’y attendais pas, c’est hyper kitsch, mais il y a un plan au début du film avec un personnage qui marche dans la pluie, j’étais à fond… C’est pas le meilleur film, ni le pire, mais il faut vraiment le voir, il y a un délire hyper fort.

 

Forcément, j’ai repéré que tu avais une ÉNORME collection de DVD et de Blu-Ray chez toi. Est-ce qu’il y a des films dont tu as envie de parler ?

Plein… Je vous conseille Fudoh: The New Generation, de Takashi Miike. C’est un truc avec des ados gangsters, c’est hyper cool et un peu moins décousu que d’autres trucs qu’il a pu faire. J’aime bien sa série de films Dead or Alive, mais au bout d’un moment ça part dans tous les sens.

Sinon, en ce moment, je suis à FOND dans Stephen Chow, le mec qui a fait Shaolin Soccer. Le truc avec lui, c’est que tu sais qu’il y a toujours un truc un peu mal foutu, genre les effets spéciaux, mais à chaque fois je kiffe ses idées.

En ce moment, je n’arrête pas de matter son film Journey to the West. C’est une adaptation de la légende du Roi Singe, qui a notamment inspiré Dragon Ball. Je l’avais acheté en DVD importé, mais je n’ai pas de lecteur dézoné, alors j’ai dû le racheter en Blu-Ray pour le voir… Depuis, je l’ai vu trois fois. Je retrouve ce que j’aimais dans les films chinois de Tsui Hark, genre La Montagne de Zu.

Et là il a sorti un film qui est très cool, qui s’appelle The Mermaid.

 

J’adore aussi Stephen Chow, et je ne connaissais pas Journey to The West. Je vais foncer voir ça dès qu’on aura fini… Tu as vu son vieux film God of Cookery, sur un battle de bouffe ? Il est génial.

Non, je ne l’ai pas encore vu. Mais tiens, si tu as un lecteur DVD dézoné, je te donne mon DVD de Journey to the West.

 

Sérieux ?

Oui, prends-le, je l’ai en double. Et ça me fait plaisir de partager des trucs que j’aime !

OrelSan sera en tournée toute l’année 2018. Son album La Fête est finie est déjà disponible.
Et Journey to the West défonce.

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